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Interview : Quand éteindre les lumières sauve la biodiversité

À l'occasion de la Nuit de l'Obscurité, nous avons pu poser quelques questions à Romain Bruffaerts, chiroptérologue au sein de Plecotus (Natagora), à propos de l'impact de la pollution lumineuse sur les chauves-souris et la biodiversité nocturne en général. L'occasion parfaite pour faire davantage connaissance avec ces petits mammifères avant la Nuit de l'Obscurité !


 

Bonjour Romain, est-ce que tu peux te présenter en quelques mots et nous en dire plus sur ce que fait Plecotus au quotidien ?

Nous sommes chiroptèrologues (spécialistes des chauves-souris) au sein de Plecotus, le pôle chauve-souris de Natagora, une association de protection et d’étude de la Nature en Wallonie et à Bruxelles. Nos axes de travail sont variés et comprennent l'observation, l'étude et la protection des chauves-souris en Wallonie et à Bruxelles. Un service SOS chauves-souris est également entretenu en collaboration avec nos bénévoles. Notre groupe s'appuie sur l'énergie de très nombreux volontaires passionnés, répartis dans toute la Belgique francophone, qui s'activent dans nos différents pôles d'activités. Une seule motivation nous anime : partager nos connaissances et expériences avec tous afin de protéger les chauves-souris au mieux…

 

Quel impact global la pollution lumineuse d’une ville comme Bruxelles peut avoir sur la biodiversité en général et plus particulièrement la population de chauves-souris ?

La pollution lumineuse est omniprésente en Belgique, pays particulièrement impacté par cette problématique, et les grandes villes comme Bruxelles représentent donc des enjeux importants dans cette lutte. Celle-ci a un impact sur toute la faune nocturne (oiseaux nocturnes et migrateurs, mammifères nocturnes, batraciens…), et particulièrement sur les populations de chauves-souris. En effet, bien que certaines espèces soient luminotolérantes, telles que les Pipistrelles, la grande majorité de nos chauves-souris est strictement lucifuge. La simple présence d’éclairage peut empêcher l’installation de colonies de chauves-souris, perturber leurs voies de déplacement ou encore créer de véritables barrières infranchissables, tels que les routes éclairées, morcelant leurs terrains de chasse et isolant leurs populations. Cela a également un impact important sur les populations d’insectes, attirés par l’éclairage et perturbant leurs activités (pollinisation, reproduction, etc.). Cela favorise donc leur déclin, et engendre un impact direct sur les chauves-souris qui s’en nourrissent, ainsi que sur l’ensemble de la chaîne alimentaire.  




Tes collègues et toi rencontrez-vous des contraintes dans la mise en place de dispositifs de sauvegarde des espèces animales par rapport à cette pollution ?

Nous rencontrons régulièrement des difficultés dans notre travail pour réduire la pollution lumineuse liée à l’éclairage, public ou privé. La sécurité routière ou piétonne rend la présence de nombreux luminaires entièrement nécessaires. Cependant, de nombreux éclairages ne sont pas réellement pertinents, et leur modification, réduction voire suppression pourrait entièrement être envisagée. L’utilisation de l’éclairage pour mettre en évidence des monuments ou bâtiments historiques de nuit, telles que les églises, pose également un problème de taille étant donné que ceux-ci représentent des gîtes pour de nombreuses espèces (chauves-souris, chouettes). Il est souvent difficile de trouver le compromis entre biodiversité et embellissement urbain. De même, l’utilisation omniprésente du LED blanc à l’heure actuelle, moins énergivore, a un impact particulièrement néfaste sur la faune nocturne, bien davantage que les anciens luminaires aux couleurs plus chaudes, moins intenses mais beaucoup plus énergivores. Cependant, il existe aujourd’hui des technologies permettant d’allier couleur ambrée (plus favorable aux chauves-souris) et économie énergétique, nous travaillons à développer ce type d’éclairage à Bruxelles.  Enfin, l’utilisation d’éclairages privés, tels que l’éclairage des maisons, monuments ou encore jardins, a un impact significatif sur la faune nocturne. Cela résulte essentiellement d’une méconnaissance par les citoyens de ce sujet, et non d’une indifférence sur cette problématique. Une sensibilisation du grand public est donc d’une grande importance dans la lutte contre la pollution lumineuse.

 

Au quotidien, que peuvent faire (ou ne pas faire) les citadins pour contribuer à la sauvegarde des chauves-souris en ville ? Et selon toi, comment peut-on éveiller davantage les consciences sur l’impact de cette pollution lumineuse vis-à-vis des espèces vivantes ?

Les citadins sont des acteurs essentiels dans la lutte contre la pollution lumineuse : en décidant de ne pas éclairer leur jardin ou leur maison, ou même simplement en fermant les rideaux le soir, ils participent au développement de la trame sombre au sein des intérieurs d’îlots d’habitations, et favorisent donc le déplacement des animaux nocturnes. Les citadins ont également le pouvoir d’interpeler les communes, afin de les sensibiliser à l’impact de l’éclairage public et de développer des solutions. Les actions citoyennes ont parfois un grand pouvoir sur ce genre de problématique. De manière plus générale, les citadins peuvent également contribuer à la sauvegarde des chauves-souris en ville en rendant leur jardin accueillant à la biodiversité : favoriser les espèces de plantes indigènes, conserver des zones non-tondues ou réduire les périodes de tonte ou encore installer une mare dans son jardin offre directement des zones de chasses favorables aux chauves-souris.  


Tu participes à la Nuit de l’Obscurité depuis plusieurs années. Y a-t-il un moment que tu attends avec impatience dans la Nuit ou un souvenir qui t’as marqué en particulier ?

Les échanges avec le grand public sont toujours très enthousiasmants. Les échanges avec les autres organismes et d’autres passionnés nous permettent de voir la nuit sous différents aspects.


 

Envie de rencontrer Romain et d'autres passionnés afin de poser d'avantage de questions ? Rendez-vous à la Nuit de l'Obscurité ce samedi 12 octobre !



 


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